Compte-rendu de la journée d’étude
« Cultures médiatiques juvéniles à l’heure du numérique »
(organisée par l’axe Média-Information-Littératie de l’ESPE de Toulouse, 10 juin 2015)
Note préalable : il s’agit plus là d’une succession de prises de notes que d’une véritable rédaction. J’espère cependant que vous trouverez de quoi « picorer ».
Intervenants
1. Pascal Marchand (chercheur en sciences de l’info et de la com à Toulouse, www.iramuteq.org)
Effets et impacts médiatiques
Types d’effets :
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Effet direct et immédiat : violence TV = violence réelle ? Oui, mais pas de manière durable et pas pour tout le monde.
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Effet direct et différé : très dépendant de la durée également. Désensibilisation émotionnelle et désinhibition narrative.
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Effet indirect : représentation de la violence accentuée par la visions des infos. Modèles stéréotypés véhiculés + représentation des rôles. Ex : téléréalité avec une forte adhésion aux normes libérales de ceux qui la regardent régulièrement.
Stephen N.Cohen : « L’important de n’est pas ce que les gens pensent mais à quoi ils pensent » (agenda fixé par les médias).
Enquête menée sur les représentations et pratiques médiatiques des jeunes.
Les jeunes ne font pas confiance aux médias et ne se sentent pas informés. 33% ne s’informant pas via les médias traditionnels. Ils sont très sensibles au « micro-trottoir », à la parole de l’ »homme de la rue ».
pourquoi va ton chercher telle info dans tel média ? => Motivation personnelle, individuelle avant tout. Pratiques différentiées de Facebook par exemple.
Il règne chez les jeunes un relativisme généralisé, « Tout se vaut ». Chacun pense ce qu’il veut et chacun crée sa propre information.
Les médias créent une légitimité, une parole dominante via les experts invités en particulier.
Les jeunes, via les réseaux sociaux, sont moins perméables à ce phénomène et cela peut créer un désengagement (abstention).
2. Franck Martin (Maison de la recherche, ESPE Toulouse)
« Violences numériques en milieu scolaire ».
La cyberviolence est caractérisée par : la répétition des actes, la volonté de nuire, le déséquilibre du pouvoir, qui amènent à le harcèlement.
Le numérique facilite le comportement négatif (car évite le face à face), il favorise l’effet « cockpit » (on ne soit pas son adversaire ni ses réactions, l’effet démultiplicateur (participation + diffusion) et l’effet de flux (pas de répit dans l’acte). Il y a un déséquilibre des forces (physiques versus maîtrise numérique) ; les victimes peuvent se venger via les mêmes outils et devenir agresseurs à leur tour.
Étude 2013 en collège : 81,8 % des élèves ne se sentent pas agressés. Les autres : victimes d’insultes ou d’agressions via SMS ou le Net.
Plus de filles se déclarent victimes. Plus de 3° que de 6° (car moins équipés).
Les « victimes numériques » sont en grande partie, déjà, des victimes présentiels dans l’établissement.
Facteur clé de la prévention de la violence : un bon climat scolaire (formation, participation des élèves, pédagogie collaborative).
Cf. service de prévention du Rectorat.
3. Christine Detrez (chercheuse ENS de Lyon, http://www.centre-max-weber.fr/Christine-Detrez)
Pratiques culturelles et construction de soi à l’heure du numérique.
Deux écueils à éviter dans cette approche : la panique (« Ils sont nuls ») et le jeunisme (« tout ce qu’ils font est génial ! »).
L’héritage culturel se transforme (vs Bourdieu). L’enfant-ado signifie son âge, se construit via ses pratiques culturelles.
Révolution numérique :
– médias différents des supports
– espace privé / espace public indifférencié
– organisation spatiale et temporelle modifiée.
A l’adolescence, la distinction sociale compte peu : ce qui compte c’est d’avoir le « bon genre » (donc les bonnes pratiques), et devenir un garçon ou une fille. L’ordinateur permet le brouillage des genres (ex : pratique conversationnelle des garçons avec une accession à une culture dite de chambre plutôt féminine).
Mangas
Le numérique permet des logiques de distinction :
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accès à des mangas non traduits
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échanges via communautés virtuelles
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construction des son espace propre
Les filles de milieu favorisé vont culturellement vers des goûts et des pratique de garçon (sauf dans l’orientation, où les attendus sociaux et parentaux prennent le dessus).
4. Nancy Rodriguez (auteur d’une thèse sur les usages d’internet des jeunes adolescentes)
Il y a là une sociabilisation horizontale, une transmission entre pairs. L’apprentissage de ces pratiques se fait en dehors de l’implication des adultes. Il est démonstratif, en présentiel et suggestif (recommandation + observation).
Inserm 2013 : 88% des 13-18 ans communiquent via les réseaux sociaux (RS) et les messageries instantanées (MI). But principal : s’intégrer à des réseaux, développer ses relations amicales.
Pratiques de dévoilement de soi en ligne : selfie + textes sur RS et MI, afin de se construire et d’obtenir l’approbation de ses pairs.
Contexte relationnel : il est électif (solidarité, écoute, partage d’activités). Les meilleures amies puis les groupes d’amis puis les fratries sont privilégiés.
Ces usages permettent l’intégration sociale, l’intériorisation des normes/valeurs /règles du groupe des pairs, la personnalisation de ces normes et la socialisation horizontale.
Conclusion d’André Tricot : il y a là une remise en cause de nos pratiques, certitudes et approches. Ces pratiques culturelles consistent à donner une valeur à quelque chose et DONC à déprécier autre chose.