Compte rendu conférence D.Pouchard, 5 mai 2010

« Contraintes juridiques liées à l’utilisation d’internet »

Voici le compte – rendu partiel de la conférence. Ce compte – rendu est sous licence creative commons, vous pouvez y apporter vos contributions, commentaires et +…

Une question sous – jacente au problème du droit d’auteur :

Assiste – t – on à l’émergence d’un droit d’auteur sans auteur ?

1.    L’appropriation du droit d’auteur par les investisseurs

Les faits

  • Début année 80 : Montée en puissance de la valeur marchande des œuvres de l’esprit – Industrialisation de l’économie culturelle avec l’apparition du cinéma, de la tv et des jeux vidéos. Le statut de l’auteur en tant que personne indépendante s’efface.
  • L’émergence des contrats de travail dans la création… L’auteur devient dépendant financièrement de l’investisseur. Le salaire se substitue au droit d’auteur.

o   Cf : secteur du jeu vidéo où les investisseurs choisissent de produire telle ou telle création. Les auteurs ne revendiquent plus leurs droits. Il n’existe pas de syndicats professionnels dans ce secteur.

o   Cf : séries tv où les équipes de réalisations, de dialoguistes… ne permettent plus de savoir qui est réellement l’auteur du programme.

  • Création des sociétés d’auteurs pour contrebalancer l’influence des investisseurs sur la création (valable pour le théâtre, la musique, les arts plastiques). En ce qui concerne l’audiovisuel, le cinéma, les jeux vidéo ou les logiciels, les investisseurs n’ont laissé aucune place à la création de ces sociétés. Il en est de même pour la création littéraire pour laquelle les éditeurs se sont arrogés tous les droits d’auteurs (y compris ceux des exploitations numériques, théâtrales, cinématographiques des œuvres).
  • S’il y a contrat de travail entre l’investisseur et l’auteur, les droits d’auteurs sont cédés à l’investisseur.
  • 1957 : statut de l’œuvre collective. Une personne recrute des auteurs pour créer une œuvre.  Ce statut a été créé pour les dictionnaires et les encyclopédies… Aujourd’hui il est étendu et permet aux investisseurs de récolter les avantages du droit d’auteur.
  • Cas du secteur des logiciels. L’idée de protéger les créateurs de logiciels par les droits d’auteurs n’est pas apparue évidente au départ. Mais les éditeurs américains se sont battus pour faire valoir les droits d’auteur dans ce secteur là… L’enjeu : la protection et la garantie qu’assurent les droits d’auteur sans aucune contrainte financière (à l’inverse notamment des brevets qui eux demandent des formalités de dépôt payantes).
  • Depuis 1985, les producteurs de cinéma, de musique, la TV et la radio ont obtenu la reconnaissance de droits voisins aux droits d’auteurs vis-à-vis de la loi. Ils peuvent donc interdire ou autoriser l’exploitation des œuvres produites (émissions tv, radio…)
  • On glisse de l’esprit de la loi humaniste (cf : convention de Berne, Droits d’auteurs défendus par V. Hugo avec l’ONU chargée de veiller à leur application) à un esprit de la loi commercial (droits d’auteur dans le champ de l’OMC depuis 1994 à la demande des grands groupes d’édition et de production + accords ACTA (droits d’auteurs vue à travers une perspective industrielles et commerciales).

Les aspects juridiques

 

2.    L’appropriation des droits d’auteurs par les utilisateurs

 

Réflexions sur la considération de la propriété matérielle par rapport à la propriété intellectuelle 

Constats :

  1. Pourquoi demande – t – on une exception pédagogique pour l’utilisation des œuvres de l’esprit dans un but pédagogique et ne demande – t – on pas la gratuité pour les connexions internet, l’utilisation de l’électricité au sein d’un établissement scolaire ?
  2. Pourquoi trouve – t – on normal de payer un téléphone ou un PC portables, un MP3 et toutes sortes de lecteurs divers et variés alors que nous nous battons pour obtenir musique, films, livres… en toute gratuité et légalité sur la toile ?
  • La contrefaçon et la piraterie sur la toile entraînent deux types de discours :

o   Les auteurs et investisseurs parlent d’une seule voix pour dire que le droit d’auteur doit continuer à s’appliquer sur le net.

o   Les utilisateurs, par l’intermédiaire des associations de consommateurs, penchent pour la révision du droit d’auteur en l’adaptant aux NTIC. Pour eux, il faut repenser le dispositif selon l’idée de la licence globale (licence légale) : une œuvre de l’esprit doit pouvoir être divulguée sur internet sans autorisation préalable de son auteur. En contre – partie, un mécanisme de rémunération de toute la chaîne de l’industrie de la création est imaginé… Le but ultime est  l’absence de création de délit de contrefaçon ou de piratage sur internet. Cette proposition reçoit un écho positif chez certains parlementaires.

Aspects politiques : la position des parlementaires est inconfortable car ils doivent prendre parti soit pour les utilisateurs, soit pour les créateurs. Le PC et le FN sont pour la licence globale… Les autres partis n’adoptent pas de position unique.

Après un premier vote à l’assemblée, l’adoption de la licence globale est en attente en partie pour les raisons suivantes :

  1. Le coût de l’abonnement internet pour l’usager n’a pu être défini. Au départ,  tout abonné à un fournisseur d’accès payait 6€ supplémentaire sur son forfait. Or, les associations de consommateurs se sont élevées contre cette pratique car elle consistait à faire payer aussi les internautes qui ne téléchargeaient rien. Un autre système a été alors évoqué… Il consistait à faire en sorte que les internautes qui téléchargent déclarent leur téléchargement, auquel cas, le coût de leur abonnement aurait été majoré. Ceci étant la porte ouverte à la fraude, l’enjeu de départ d’une telle licence (enrayer les délits de piratage et de contrefaçon) n’était pas atteint.
  2. Les sites de téléchargement légaux qui avaient fondé leur système économique sur la mise en ligne et le téléchargement d’œuvres de l’esprit moyennant une somme plus ou moins importante ne pouvaient plus subsister.
  3. L’internaute aurait également pu télécharger un maximum d’œuvres en une durée de temps limité et ne plus payer la licence globale par la suite.
  4. Le financement du cinéma français aurait dû être revu par rapport à sa chronologie (films sortis en salle directement disponible sur le net).
  5. Le cinéma aurait pu être exclu de cette licence, ce qui était la porte ouverte à d’autres exclusions et donc objectif non atteint.

 

 

Evolution en cours…

Les secteurs de l’informatique et des télécommunications (qui se placent sur un point de vue économique du côté du consommateur et donc de la licence globale) engagent l’achat de catalogue d’œuvres avec leurs droits afférents (cf : orange, apple en passe de devenir les nouveaux investisseurs dans la création « culturelle » en lieu et place des producteurs ou éditeurs actuels…)

 

Pour les exceptions pédagogiques, voir BOEN du 4.02/2010 – accords valables 3 ans : http://www.education.gouv.fr/pid23787/n-5-du-4-fevrier-2010.html